VIDÉO - Le Conseil constitutionnel prive les policiers municipaux de drones

ML | Reportage TF1 : Jérôme Garro et Vincent Capus
Publié le 21 janvier 2022 à 22h45

Source : JT 20h WE

SÉCURITÉ - Plusieurs villes misaient déjà sur ces appareils performants pour aider les agents locaux dans leurs opérations, mais les Sages ont retoqué jeudi l'autorisation du recours aux drones pour les polices municipales, à leur grande déception. Ils pointent notamment un manque d'encadrement dans cette utilisation.

Le matériel est à portée de main, mais il reste pour l'heure en sommeil : si la police municipale de Nice dispose d'un arsenal de drones, celui-ci est inutilisable en dehors de séances d'entraînement. La mairie a pourtant formé cinq agents et investi dans trois appareils de pointe, dotés de caméras thermiques à infrarouge et de zooms extrêmement précis. Le tout pour un coût total de 64.000 euros. "Aujourd'hui, nous sommes complètement opérationnels, mais seuls les textes nous manquent pour travailler à des missions de police pure", regrette dans le reportage du 20H de TF1 en tête d'article Christophe Gardon, responsable télépilote de la police niçoise. 

Les drones ne pourront servir qu'à "travailler sur des zones sinistrées, assister les secours", poursuit le policier. En effet, ce matériel n'est pas utilisable par les agents municipaux : seule la police nationale et la gendarmerie ont finalement le droit de s'en servir, à certaines conditions (notamment l'autorisation préalable du préfet). Le recours de la police municipale à ce matériel est l'une des rares mesures à être retoquée par le Conseil constitutionnel ce jeudi, après avoir été saisi par des députés et sénateurs au sujet de la loi sur la responsabilité pénale et la sécurité intérieure, votée le 16 décembre. 

Utiliser le drone en "éclaireur", le projet de certains policiers

Le texte prévoyait spécifiquement d'ouvrir l'accès des polices municipales aux drones pour les "manifestations sportives, récréatives ou culturelles", sans que le préfet puisse y mettre fin à tout moment. Des dispositions censurées donc par les Sages, qui ont estimé qu'elles "n’assurent pas une conciliation équilibrée" entre le droit au respect de la vie privée et la prévention des atteintes à l’ordre public.

Certaines mairies imaginaient pourtant déjà tirer profit de ces appareils de filmage, comme à L'Haÿ-les-Roses, en banlieue parisienne. "Ici la police, merci de cesser immédiatement votre activité", articule une voix lancée depuis le drone, qui pourrait ainsi aider les forces de l'ordre à lutter contre la délinquance et les phénomènes de guet-apens. "On a été appelé sur une opération, et au moment de repartir une dalle autobloquante en béton est tombée sur notre véhicule", se souvient un policier. "Elle a transpercé le toit de la voiture, je l'ai prise sur la tête et cela m'a laissé une plaie." 

Dans ce cas de figure, le drone pourrait ainsi assurer un rôle "d'éclaireur", pour "survoler les tours et voir s'il y a des gens au-dessus, équipés de mortiers et de cailloux", poursuit l'agent. Et ce, en un temps record : une minute suffit à un drone pour traverser la ville, alors le maire se prend à rêver. "On pourrait imaginer demain le faire décoller du poste de police municipale, avoir un téléopérateur bien au chaud en protection dans les bureaux du centre de surveillance urbain, pour faire en sorte d'aller donner une vue d'ensemble aux forces de l'ordre qui vont sur le terrain", projette Vincent Jeanbrun, élu LR de la commune.

Un risque d'atteinte à la vie privée

Après l'interdiction imposée par les Sages, le projet ne devrait pourtant pas voir le jour de sitôt. Comme la sienne, plusieurs mairies partout en France attendaient un feu vert pour laisser leur police utiliser des drones. Elles sont désormais dans l'incompréhension, comme à Compiègne, dans l'Oise, première commune à en avoir équipé ses agents pour sécuriser les rassemblements, avant que cette décision ne soit rendue. "Le Conseil constitutionnel est un peu en décalage avec les problèmes de notre société et ceux de l'organisation territoriale", juge Philippe Marini, maire LR de la ville. "Il n'y a aucune espèce de raison qu'on ne puisse pas utiliser nos moyens à des fins de sécurité en respectant toutes les garanties, sans intrusion chez les particuliers." 

Pour l'instant, les Sages estiment pourtant que les textes de loi sont trop flous : selon eux, l'usage des drones municipaux n'est pas suffisamment encadré, et il faut davantage de garde-fous. "À la différence d'une caméra fixe qui a un champ de vision et d'enregistrement limité, un drone peut suivre une personne pendant une durée extrêmement longue où qu'elle se déplace", explique Thomas Dautieu, directeur adjoint de la conformité à la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL). "L'atteinte à sa vie privée est donc potentiellement extrêmement importante", poursuit-il, d'autant qu'un tel appareil "peut aussi survoler des jardins et filmer dans des lieux d'habitation privée"

Dans sa décision, le Conseil constitutionnel précise que la loi encadre bien le recours à ces drones, puisque policiers, gendarmes et douaniers devront renseigner la "finalité" et la "nécessité" de l'usage des drones pour obtenir l'autorisation préalable du préfet. Mais les polices municipales, elles, restent exclues du dispositif. Ces drones municipaux vont donc dormir en attendant un nouveau cadre légal : ils ne devraient pas s'envoler avant plusieurs mois.


ML | Reportage TF1 : Jérôme Garro et Vincent Capus

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