MLF, Renault 5, Casimir... La France de Giscard, c'était ça

par Audrey PARMENTIER
Publié le 3 décembre 2020 à 16h02

Source : TF1 Info

SEVENTIES - Élu en 1974, Valéry Giscard d'Estaing est propulsé dans un pays en pleine mutation. Les femmes tapent du poing sur la table, les jeunes se rebellent et la crise économique pointe.

Le 27 mai 1974, Valéry Giscard d'Estaing remonte les Champs Élysées à pied. Le style du nouveau président de la République dénote et paraît alors furieusement moderne. En replongeant dans cette époque à l'heure de sa disparition, on mesure la distance parcourue. 

Ces années-là, la Renault 5 est en vogue, Dalida inonde les ondes avec son tube Gigi l'Amoroso et les ados ont définitivement abandonné les yéyés pour le disco ou les prémices du punk. Les gamins délaissent aussi leurs cardigans défraichis pour arborer des blousons en cuir avec des pantalons pattes d'éléphant. Les styles deviennent unisexes : les femmes portent des coupes garçonnes et des pantalons, tandis que les hommes optent pour les cheveux longs. Dans le sillage de mai 68, la jeunesse s'immisce sur la scène politique et les femmes sortent de leur cuisine. Fraîchement élu, le président, Valéry Giscard d'Estaing prend le train de la modernité en marche. Et même l'avion, avec l'ouverture de l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, en mars 1974.

Si le train de vie des Français change, la société aussi opère sa mue. Dans les années 1970, le mouvement de libération des femmes (MLF) tape du poing sur la table et réclame davantage d'égalité. À cette époque, une femme a souvent le choix entre un poste de dactylo ou rester confinée à l'intérieur du foyer, un décor un peu à la Mad Men dont une partie de la population aimerait s'affranchir. Le 26 novembre 1974, Simone Veil, ministre de la Santé, défend l'autorisation de l'interruption volontaire de grossesse (IVG) à l'Assemblée nationale. Devant un parterre d'hommes engoncés dans leur costume, la magistrate affirme : ""Aucune femme ne recourt de gaité de cœur à l'avortement. Il suffit d'écouter les femmes." 

En 1974, le poste de ministre chargé des Droits des femmes voit le jour et il est attribué à la journaliste Françoise Giroud. Celui qu'on surnomme VGE sera aussi le premier à souhaiter ses vœux aux Français avec sa femme, Anne-Aymone, en 1975. Ce sera la dernière fois qu'une première dame se prêtera à ce genre d'exercice. 

Si la parité n'est pas encore d'actualité, la sphère politique connaît quelques bouleversements à la suite du scrutin de 1974. À gauche, le parti socialiste voit la victoire de son candidat, François Mitterrand, lui échapper de 450 000 voix. De l'autre côté de l'échiquier, les partisans de l'extrême-droite se réfugient autour d'un nouveau leader en la personne de Jean-Marie Le Pen - l'un des fondateurs du Front national. Pour l'instant, le parti ne dépasse pas encore les 5%. Enfin, l'élection de 1974 observe aussi l'arrivée d'un ovni politique à l'époque : René Dumont, le premier candidat écologiste. À l'époque, les Verts n'existent pas encore, sauf pour désigner l'équipe de Saint-Étienne, qui domine le football français en remportant pour la troisième fois le doublé coupe – championnat. 

La télévision fait sa révolution

Le sport s'affiche désormais en couleur sur les postes de télévisions françaises. Ces petites boîtes carrées flanqués d'une antenne séduisent les foyers des classes moyennes qui l'érigent en objet de divertissement numéro 1. La télévision marque son époque et le président Valéry Giscard d'Estaing l'a bien compris.  Alors que les Français sont coincés avec une grille de programme limitée, leur chef d'État décide d'élargir le spectre audiovisuel. Le 6 janvier 1975, le téléspectateur aperçoit en allumant son poste quelques logos colorés à l'antenne :  adieu l'ORTF, place à TF1, Antenne 2 et FR3.

Petits et grands se retrouvent devant leur poste de télévision à heure fixe. Les enfants s'émerveillent devant un gentil dinosaure orange qui s'anime gaiement à l'écran. Son nom sera connu par toute une génération. Il s'appelle Casimir. La musique est entraînante et le monstre séduit par sa gentillesse. Une véritable pause douceur pour les téléspectateurs. Mais le monstre coloré n'est pas le seul à occuper les petits écrans. Parmi les piliers des années 70, il y a aussi l'émission satirique présentée par Jacques Martin, Le Petit Rapporteur, qui traite de l'actualité en prenant l'actualité par  "le petit bout de la lorgnette". Enfin, la culture prend un nouveau visage avec le très littéraire Bernard Pivot qui pilote l'émission emblématique Apostrophes arrivée en 1975. Tous les auteurs notables défileront sur ce plateau pendant 25 ans. 

Si la télévision se dépoussière, il en va de même pour le cinéma. Bien loin des  comédies hexagonales dominées par Louis de Funès, le cinéma des années 70 fait sa révolution sexuelle au cinéma. Sur les écrans, les téléspectateurs et téléspectatrices découvrent, en 1974 le film érotique Emmanuelle, réalisé par Just Jaeckin, que le président de l'époque a permis de faire passer à travers la censure. Dans la même veine, le sulfureux  Les  Valseuses de Bertrand Blier étonne les Français. Les amateurs de cinéma d'art et d'essai s'émeuvent aussi devant les films de Claude Sautet, qui dresse le portrait d'une bourgeoisie à la dérive. 

La crise économique en ligne de mire

La société culturelle bouillonne et elle est portée par des philosophes de renom, à l'instar de Michel Foucault ou encore du couple phare Jean-Paul Sartre-Simone de Beauvoir. En 1974, l'auteur de "l'Être et le Néant" rend visite à Andreas Baader, chef de l'organisation terroriste allemande, Fraction armée rouge, dans sa prison de Stuttgart.

Ces nouvelles figures intellectuelles fascinent les jeunes étudiants qui comptent bien prendre leur part dans le monde politique. Après mai 68, les jeunes Français sont sortis de la période du "père De Gaulle" pour s'émanciper. Le président Valéry Giscard d'Estaing décide de baisser la majorité de 21 ans à 18 ans, le 5 juillet 1974. 

Sur le plan économique, la France sort des Trente glorieuses et subit son premier choc pétrolier en 1973. À ce moment-là, le prix du pétrole s'envole et les Français voient pour la première fois les répercussions du conflit israëlo-palestinien depuis leur station-service. Si la crise économique pointe le bout de son nez, la France reste encore très peu endettée. Une situation qui va, elle aussi, bientôt changer.  


Audrey PARMENTIER

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