VIH et "roulette sexuelle" : ce phénomène qui n'en est pas vraiment un

Anaïs Condomines
Publié le 6 mai 2016 à 10h52
VIH et "roulette sexuelle" : ce phénomène qui n'en est pas vraiment un

DESINTOX - Au cours du mois d'avril, la presse espagnole a évoqué le phénomène de la "roulette sexuelle", des orgies durant lesquelles s’exposer au VIH serait une façon d’amener un peu de piment aux ébats. Cette révélation, reprise par plusieurs médias européens, comporte en réalité de nombreuses approximations. C'est en tout cas l'avis d'Antoine Henry, porte-parole de l'association Aides.

Ce serait le nouveau jeu à la mode, le phénomène sulfureux sur le point d’envahir les fêtes étudiantes de toute l’Europe. La "roulette sexuelle", d’après la presse espagnole, ferait des ravages à Barcelone. L’idée ? Organiser, sur le mode de la roulette russe, des orgies sexuelles sans protections où participeraient, incognito, des personnes atteintes du VIH. Le tout, pour s’offrir le frisson du risque.

Une information reprise, ce mercredi 4 mai, par des médias français et belges, parmi lesquels L’Indépendant, Konbini ou encore Le Soir. Tous titrent sur "l’affligeant", "l’inquiétant phénomène", qui ferait "de plus en plus d’adeptes". Sauf que l’article à l’origine de ce vent de panique, dans sa volonté de démontrer la banalisation du Sida, multiplie confusions et approximations.

"Méconnaissance inquiétante du VIH"

L’article en question, posté sur le site de la radio espagnole Cadena Ser , remonte au 18 avril 2016. Illustré par la capture d’écran d’un site de rencontres entre homosexuels "bareback" (qui préfèrent ne pas utiliser de préservatifs, ndlr), il détaille les diverses modalités des "fêtes sexuelles". Et fait intervenir le docteur Josep Mallolas, chef du service des maladies infectieuses à l’Hospital Clinic de Barcelone, qui explique : "On voit de tout. Des fêtes où il y a des roulettes sexuelles ou d’autres où on ne peut pas aller sans être infecté." Pour preuve, le témoignage d'un jeune homme de 22 ans, participant à ce genre de soirée et dont les propos sont rapportés par le médecin lui-même. Mais cette unique référence suffit-elle à parler de "phénomène" ?

Sûrement pas, juge Antoine Henry, porte-parole de l’association de lutte contre le VIH et les hépatites virales Aides, pour qui cette information n‘est pas "des plus crédibles". "Cet article témoigne d’une méconnaissance assez inquiétante du VIH" soupire-t-il, interrogé par metronews. Principal oubli, selon lui : "La personne séropositive est présentée comme un danger potentiel, alors qu’une fois dépistée et suivie médicalement, elle n’est en réalité plus contaminante."

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"On est loin du phénomène de masse"

Et le porte-parole d’assurer : "On n’a absolument pas entendu parler de l’existence, en France, de ce genre d’invitations à la seule condition d’être séropositif. A Barcelone, il s’agit sûrement de cas anecdotiques extrapolés. On est très loin du phénomène de masse." Autre souci, le mélange des genres. L’article nous parle également de ces soirées organisées exclusivement entre personnes séropositives. "Ce n’est pas une nouveauté" précise Antoine Henry. "Ça existe, mais c’est tout l’inverse de la prétendue ‘roulette sexuelle’. Ce sont justement des rencontres qui témoignent d’un entre soi et se tiennent dans un contexte de rejet social." En résumé, poursuit-il, "cette histoire contient tous les ingrédients nécessaires pour faire une information à scandale. En parlant d’orgies, notamment, on renforce le cliché qui relie la contamination au VIH à une vie complètement débridée." 

Contacté mercredi, le médecin Josep Mallolas, qui intervient dans l'article espagnol, précise à metronews : "Ce qu'on appelle la 'roulette russe' est à ma connaissance quelque chose de mineur and j'ai reçu quelques commentaires à ce sujet, de la part des mes patients. Ce qui en revanche est réel à Barcelone, à Londres et à Paris également, c'est l'augmentation de Chemsex (sexe sous drogues, ndlr).

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