Violences sexuelles : omerta, entre-soi… Un rapport pointe les failles des Instituts d'études politiques

Publié le 26 juillet 2021 à 21h54
L'Institut d'études politiques de Toulouse
L'Institut d'études politiques de Toulouse - Source : LIONEL BONAVENTURE / AFP

#SCIENCESPORCS - Dans son rapport, publié lundi, la mission chargée de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles dans les Instituts d'Études Politiques met notamment en cause les établissements, qui n'ont pas systématiquement signalés les faits qui leur étaient remontés.

En février dernier, des centaines de témoignages d'agressions sexistes ou sexuelles au sein des Instituts d'études politiques (IEP) ont été relayées sur les réseaux sociaux via le hashtag #SciencesPorcs. Face à l'ampleur du phénomène au sein de ces établissements, une mission relative à la lutte contre ces violences avait été diligentée par le ministère de l'Enseignement supérieur. 

Des investigations ont donc été menées au sein des dix IEP et des sept campus de l'IEP de Paris. Après avoir auditionné près de 572 personnes, parmi lesquelles, des responsables des établissements comme des victimes de violences, la mission a rendu public son rapport ce lundi

Des chiffres sous-évalués du fait de l'omerta et de l'entre soi

Dans ses conclusions, la mission rapporte 89 faits de violences sexistes et sexuelles sur l'ensemble des dix IEP. Cependant, le rapport précise bien que ce chiffre serait sous-évalué, du fait de l'"omerta" et de l'"entre soi" qui règnent dans ces établissements. 

Les situations qui ont été remontées auprès des directions des IEP sont en grande majorité "les faits les plus graves du point de vue pénal". Ainsi, 46% serait des viols et 20% des agressions sexuelles. Le harcèlement sexuel représente 5% des cas. Au total, ce sont presque 83% des situations qui relèvent du code pénal.

17% des faits sont des propos sexistes ou des comportements inappropriés, non pénalement répréhensibles, mais pouvant faire l'objet de procédures disciplinaires, comme le rappelle le rapport. "Ces agissements sont, le plus souvent, le fait d’enseignants ou de personnels des établissements que ceux d’étudiants", relève ainsi le rapport. 

Des étudiantes et étudiants ne veulent pas s’adresser à l’administration par "manque de confiance" et par conséquent une large majorité de situations ne sont pas signalées (environ neuf sur dix)
Rapport sur la lutte contre les violences sexistes et sexuelles dans les IEP

Le rapport met donc principalement en cause les établissements qui auraient eu des réponses trop faibles face à l'ampleur du phénomène, pointant du doigt le manque de formation de la part du personnel. "Contrairement aux idées reçues et parfois exprimées devant la mission, les directions ont une obligation d’agir dès que des violences sexistes et sexuelles impliquent au moins un membre de la communauté et ce même si les agissements ont pu se dérouler hors de l’établissement dans un contexte privé", donne ainsi en exemple la mission. 

Ces conclusions déplorent également "le manque de confiance des victimes envers une direction et sur sa capacité à prendre la mesure de la gravité des faits, à se sentir concernée et enfin à agir". Elles font état d'un accompagnement institutionnel "souvent défaillant" et "rarement structuré".

Malgré tout, la mission note que les révélations de février ont donné un coup d'accélérateur à la mise en place de mesures durables pour prévenir de telles violences. "Au-delà d'un discours sur 'la tolérance zéro'", le rapport donne 38 recommandations pour traiter de manière appropriée les violences sexistes et sexuelles, "par l'engagement effectif de procédures disciplinaires".  

Enfin, le rapport demande également plus de transparence lors de la prise en charge de la victime et surtout, une professionnalisation des acteurs qui interviennent dans ces situations. Dans un entretien au JDD, la ministre de l'Enseignement supérieur a promis un "plan national de lutte" pour la rentrée. 


Aurélie LOEK

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