VOS SOUVENIRS DE MAI 68 : "De Gaulle était comme un papa vieillissant"

Propos recueillis par Antoine Rondel
Publié le 23 mai 2018 à 8h00
VOS SOUVENIRS DE MAI 68 : "De Gaulle était comme un papa vieillissant"

50 ANS APRÈS – Alors que la France célèbre Mai 68, LCI a sollicité des acteurs ou témoins anonymes de ces événements pour qu’ils nous racontent les souvenirs qu’ils en gardent, l’anecdote ou la scène qui les a marqués. Aujourd’hui, retrouvez le témoignage de Marie-Christine, jeune collégienne à l'époque.

"Que vous dire sur 68 ? J'étais jeune, j'avais 15 ans et j'étais chez les religieuses. C'était dans un collège de la rue Gassendi, dans le XIVe arrondissement de Paris, qui a été déconsacré depuis. Comme la plupart des facs, des lycées, des collèges, nous n'avions pas cours. De mai à octobre, en l'occurrence, ce qui n'était pas désagréable. Alors, avec amis, nous passions nos journées à nous promener dans la capitale, sur les barricades, ou dans les cafés. La culture du bistrot était au top, à l'époque : on refaisait le monde, on se construisait politiquement... et on s'apercevait que les gens pouvaient prendre le pouvoir. Tout le monde s'informait : je me souviens de mon grand-père qui lisait régulièrement les journaux, pour ne pas se contenter de l'ORTF, de moi qui écoutais Europe 1, "Radio-Barricades".

De Gaulle, c'était quand même quelque chose !

J'ai adoré cette période. Adoré. Sûrement parce que j'avais un petit fond anarchiste, que j'ai toujours, d'ailleurs. Je n'allais pas à la confrontation avec la police, et mes souvenirs les plus marquants renvoient donc aux mots d'ordre des étudiants : "Il est interdit d'interdire", "Sous les pavés, la plage", "La pub est con, la pub rend con"... Ce qui était intéressant, c'est que chacun y mettait ses tripes. Je sais bien que beaucoup de gens disaient que les leaders n'étaient que de jeunes intellos, comme je reconnais qu'ils n'étaient pas armés politiquement. Mais ils étaient assez fédérés pour dénoncer le carcan qui régissait la société, à l'époque. De Gaulle, c'était quand même quelque chose !

Nous vivions dans une société étouffée. Le général de Gaulle était fortement rejeté, surtout chez nos professeurs et nos éducateurs. Pour eux, c'était un papa vieillissant, et entre ses partisans, bien installés et bien à droite, et ceux qui le contestaient, la cassure était particulièrement importante. Mai-68 a eu l'effet d'un formidable souffle libérateur. Vous pouvez d'ailleurs analyser le mouvement par le prisme de tout ce qui s'est passé après. Notre façon d'aborder l'éducation des enfants, la démocratisation de la pilule... Je ne pense pas que toutes les libertés acquises après auraient pu l'être sans ce mouvement.

Si on en est là aujourd'hui, c'est de la faute de ma génération

Je ressens un peu un parfum de 68, aujourd'hui. Il y a plusieurs petits feux qui couvent un peu partout, et notre Président, Macron se la joue un peu comme de Gaulle, en voulant tout faire passer à la hussarde. Est-ce que ça prendra ? Je n'en suis pas sûre. La force de mai 68, c'était le mouvement ouvrier et là, il ne s'est pas vraiment engagé. Et il nous manque un leader charismatique, à la Cohn-Bendit.

Ce qui est sûr, c'est que si on en est là aujourd'hui, avec autant d'inégalités, de situations d'exploitation pour les gens de moindre condition, c'est par la faute de ma génération. On s'est planté, je ne sais pas comment, pour donner autant de pouvoir aux banques, alors qu'on a eu tout ce qu'il fallait pour bien vivre. Pas de guerre, pas de catastrophe... mais on s'est trompé avec notre bulletin de vote, notre société de consommation."


Propos recueillis par Antoine Rondel

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