William Martinet : "Les jeunes sont très sûrs de leurs forces"

Publié le 14 avril 2016 à 13h13
William Martinet : "Les jeunes sont très sûrs de leurs forces"

INTERVIEW - Il n’a pas la prétention d’incarner la jeunesse, mais il est une voix qui porte dans le contexte actuel. Le président de l’Unef, William Martinet, en première ligne dans la contestation contre le projet de loi Travail, réagit à l’enquête Ifop-Fiducial que nous avons commandée pour sonder l’état d’esprit de la jeunesse en France.

Le premier élément qui frappe dans notre sondage, c’est l’optimisme de la jeunesse (64%). Est-ce que cela vous étonne ?
Pas vraiment. Les jeunes sont certes très en défiance contre la classe politique et, plus globalement, contre une société qui ne leur laisse pas de place, mais, en même temps, ils sont très sûrs d’eux-mêmes, très sûrs de leurs forces et de leur valeur. Je mets d’ailleurs en rapport les chiffres de votre sondage avec le "hashtag" qui a fleuri sur Twitter au début de la mobilisation contre la loi Travail : "On vaut mieux que ça" . Ce n’est pas le message d'une génération résignée, mais au contraire d’une jeunesse confiante en ce qu’elle peut apporter dans un monde en pleine mutation. Le problème se situe davantage dans le décalage entre cette jeunesse pleine d’envie et des institutions politiques considérées comme dépassées.

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Parmi le personnel politique, justement, ceux qui s’en sortent le mieux sont Emmanuel Macron et Alain Juppé. Pas franchement vos références...
C’est sûr… Ce sont des hommes politiques qui, pour l’instant, donnent le sentiment d’être au-dessus de la mêlée. Ils ne participent que très peu aux querelles politiciennes qui nourrissent la défiance des jeunes – et des autres – envers la classe politique. Après, ils ne bénéficient à mon avis que d’un bref avantage sur les autres. Autrement dit, je ne pense pas qu’il y ait une adhésion de la jeunesse à leurs idées.

Pourtant, toujours selon notre sondage, une majorité de jeunes pense que l’on peut réformer la France. Or, quelqu’un comme Emmanuel Macron, que vous combattez sur la loi Travail, incarne ce réformisme. N’avez-vous pas l’impression d’être en décalage ?
Pas du tout : il n’y a pas de contradiction entre l’envie de réformes, surtout dans un monde qui change, et la mobilisation contre la loi Travail. Il n’y a pas, dans la jeunesse, de débat entre la réforme et le statu quo. En revanche, en l’espèce, nous sommes face à un projet de loi qui ne reprend pas les propositions de la jeunesse et qui va même à l’encontre de ses intérêts. C’est l’exemple même de la mauvaise réforme.

Autre enseignement de notre sondage, le mouvement Nuit Debout est très populaire chez les jeunes. Quel regard portez-vous sur cette mobilisation ?
C’est une très bonne chose que la jeunesse veuille se réapproprier la chose publique et le débat politique. Nous ne pouvons que soutenir cette démarche d’engagement, cette volonté de faire de la politique, mais autrement.

Ce mouvement ne vous renvoie-t-il pas le message d’une mobilisation citoyenne qui peut se passer des syndicats, y compris étudiants ?
D’une certaine manière oui, mais j’ai envie de dire que c’est une bonne chose. Effectivement, l’objectif politique - au sens noble du terme - de Nuit Debout dépasse la contestation à la loi Travail. Il s’agit de questionner notre démocratie, imaginer une nouvelle Constitution pour le pays, etc. Mais je pense qu’il ne faut pas tout mélanger. Nous, notre mission est d’occuper le terrain de la mobilisation sociale et de faire entendre nos revendications sur des projets précis. Chaque organisation a son rôle. Je ne crois pas que les jeunes attendent que ce soit l’Unef qui organise Nuit Debout, mais, en même temps, je n’ai pas l’impression que nous soyons mis de côté dans la contestation actuelle. Bien au contraire, vu l’ampleur de la mobilisation au fil des semaines.

Toujours selon nos chiffres, une majorité de jeunes estime qu’un nouveau "Mai-68" est possible en France à court terme. Qu’est-ce que cela vous inspire?
Je l’interprète comme un élan d’optimisme. C’est le signe d’une jeunesse qui veut s’engager pour que la société soit davantage à son image. Je ne sais pas si, aujourd’hui, les conditions d’un "Mai-68" sont réunies, mais je retiens la symbolique du changement, un sentiment fortement partagé par la jeunesse française.

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Les jeunes sont en outre 42% à penser que "seule une certaine forme de violence" peut faire bouger les choses dans le pays. Cela vous inquiète-t-il ?
Oui, c’est forcément inquiétant, mais il faut peut-être relativiser cette donnée. Etre en colère quand on est jeune, c’est normal et presque rassurant. La question est : "Quel est le débouché de cette colère ?" Pour une grande partie de la jeunesse, elle peut être canalisée par des moyens d’action collective, au sein d’un syndicat, d’un parti, d’une association ou d’un mouvement comme Nuit Debout.. En revanche, dans une société de plus en plus violente et discriminante, il peut y avoir chez certains la tentation de répondre à la violence par la violence. Ce n’est pas souhaitable évidemment, mais c’est une réalité.

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La rédaction de TF1info

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