COUP DE CŒUR - En salles mercredi 23 janvier, "The Hate U Give" traite avec intelligence le thème délicat des jeunes noires tués par des policiers blancs aux Etats-Unis. À la fois poignant, bouleversant et surtout nécessaire.
S'attaquer à l'adaptation d'un best-seller est souvent à double tranchant. Surtout quand le matériel de base est destiné aux jeunes adultes. Mais à la différence des "Hunger Games" ou"Divergente", "The Hate U Give" ne nous emmène pas dans une inquiétante dystopie mais dans un monde tout ce qu'il y a de plus actuel. Et tout aussi effrayant. Starr, 16 ans, est une jeune adolescente noire qui partage sa vie entre son quartier gangrené par la guerre des gangs de Garden Heights et l'établissement huppé de Williamson où elle étudie, entourée de riches lycéens blancs. Son monde bascule quand l'un de ses amis, Khalil, est abattu devant ses yeux par un policier blanc lors d'un contrôle de routine.
L'histoire fictionnelle en rappelle d'autres bien réelles. Eric Garner, Philando Castile... Des victimes noires de violences policières dont les noms ont fait la Une des médias américains et sont cités dans le film. À sa sortie en février 2017, le premier roman d'Angie Thomas frappe fort et se classe numéro un des prestigieuses meilleurs ventes du New York Times - dont il occupe toujours la deuxième place. Une référence. Près de deux ans plus tard, son récit à la fois émouvant et documenté est porté sur grand écran par une jeune actrice aux épaules aussi frêles que sa parole est puissante. Amandla Stenberg, vue dans "Hunger Games" et plus récemment dans "Darkest Mind : Rébellion" - encore du young adult - incarne avec brio cette génération qui a choisi de ne pas accepter le sort que la société veut leur imposer.
THUG LIFE, l'empreinte de Tupac sur le film
"Les gens comme nous dans des situations comme ça deviennent des hashtags mais obtiennent rarement justice", affirme Starr, qui va questionner son identité en même temps qu'elle va se soulever avec l'aide du mouvement "Just us for Justice" ("Ensemble pour la justice"), pendant fictionnel de "Black Lives Matter". Son regard guide le spectateur et la caméra de George Tillman Jr ("Notorius B.I.G.", "Les Chemins de la dignité"). En musique de fond ? Le mantra de Tupac, "THUG LIFE" : "The Hate You Give Little Infants Fucks Everybody" - "la haine que vous donnez aux enfants détruit tout le monde". Rien d'étonnant à ce que le film s'ouvre sur une scène majeure. A l'âge où les plus petits apprennent à ne pas accepter de bonbons de la part d'inconnus, Starr et ses frères apprennent comment réagir en cas de contrôle de police. Aucun geste brusque. Les mains à plat, toujours en évidence.
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Le père, ancien membre de gang, élève son clan suivant le programme en dix points des Black Panthers. Et martèle le point numéro 7 : "Nous voulons une fin immédiate aux meurtres et aux brutalités de la police". Un triste rappel de l'état d'une société américaine plus divisée que jamais, marquée par le racisme et l'inégalité face au système judiciaire. La pièce "American Son", qui se termine à Broadway à la fin du mois, évoque les mêmes problématiques et sera bientôt adaptée par Netflix. Signe que l'heure est à la discussion outre-Atlantique. Frissons. Larmes. Colère, et rires aussi. "The Hate U Give" est à l'image d'un grand huit qui nous ferait passer par toutes les émotions en nous secouant violemment. Un film nécessaire qui ne s'adresse pas qu'aux adolescents, bien au contraire. On n'en ressort pas indemne et c'est très bien comme ça.