Les souvenirs de Ryder Cup de Levet et Van de Velde : "C'est différent de tout le reste"

Propos recueillis par Yohan ROBLIN
Publié le 21 septembre 2018 à 16h58, mis à jour le 24 septembre 2018 à 23h13

Source : Sujet JT LCI

EXPÉRIENCE - Rares sont les Français à avoir joué la Ryder Cup. Ils sont trois en tout et pour tout. LCI en a retrouvé deux, Jean Van de Velde et Thomas Levet. L'un restera à jamais le premier Tricolore à avoir participé au tournoi en 1999, l'autre à l'avoir remporté en 2004. Retrouvailles.

La Ryder Cup, ils l'ont vécue de l'intérieur. Du vendredi 28 au dimanche 30 septembre prochains, l'épreuve-phare du golf s'installe pour trois jours au Golf national, à Saint-Quentin-en-Yvelines, en région parisienne. À défaut de pouvoir compter sur la présence d'un représentant au sein de l'équipe européenne cette année, la France se tourne et regarde vers son glorieux passé. À ce jour, ils sont trois golfeurs de l'Hexagone à avoir participé à la prestigieuse Ryder Cup. Avant Victor Dubuisson, dernier joueur français sélectionné en 2014, Jean Van de Velde en 1999 et Thomas Levet en 2004 ont tracé le chemin à suivre pour le golf tricolore.

À l'approche de l'événement golfique de cette fin d'année, LCI a pu s'entretenir avec Jean Van de Velde, le premier Français à avoir participé à la compétition, et Thomas Levet, le premier Bleu vainqueur de l'épreuve-reine créée par le bien nommé Samuel Ryder en 1927. Les deux ambassadeurs de la Ryder Cup en France reviennent sur leur expérience personnelle.

Il y a beaucoup de prétendants mais...
Jean Van de Velde, premier Français joueur de Ryder Cup (1999)

LCI : Vous êtes deux des trois Français à l'avoir jouée. Jean en 1999, Thomas en 2004 puis Victor Dubuisson en 2014. En quoi est-ce un tour de force d'être sélectionné ? Qu'est-ce que cela change dans une carrière de golfeur ?

Jean VAN DE VELDE : La Ryder Cup, c'est un long processus qui se fait sur une année, avec un classement établi de début septembre à la fin août de l'année d'après. Si vous faites partie des 12 sélectionnés (huit qualifiés d'office et quatre choix du capitaine, ndlr), cela veut dire que vous avez côtoyé l'élite pendant quasiment une année calendaire. Vous savez, une Ryder Cup, il y en a qu'une tous les deux ans. Il y a beaucoup de prétendants mais peu d'élus. Pour la jouer, il ne faut pas se planter dans le système de qualification. Il faut accumuler le plus de points pendant 12 mois, ce qui n'est pas une chose facile à faire. Vous pouvez réaliser une très bonne saison, une année sans Ryder, et passer complètement au travers l'année où ça compte.

Thomas LEVET : Cela change beaucoup de choses dans la carrière d'un golfeur professionnel parce que vous ajoutez cette ligne de joueur de Ryder Cup à votre CV. C'est différent de tout le reste. Je me souviens que, plus jeune bien avant de l'avoir jouée, je voyais les joueurs de Ryder comme des extraterrestres. Leur niveau de jeu était bien supérieur à la moyenne du circuit. Ils étaient très souvent à la lutte pour les victoires sur les tournois, chose qu'un joueur moyen n'arrive pas à faire. Pour un golfeur, participer à une Ryder Cup, c'est aussi une façon de nouer un contact plus fort avec son pays et de rêver tous ensemble.



LCI : Que ressent-on quand on est appelé à participer à la Ryder Cup  ?



Jean VAN DE VELDE : Un immense honneur et une grande fierté. J'ai toujours eu pour objectif de jouer dans cette équipe de Ryder. Avoir pu le concrétiser en 1999, vous pouvez vous imaginer que j'étais plus qu'heureux. Malheureusement, j'ai eu des problèmes de vie qui m'ont rattrapés. Je n'ai pas marché entre septembre 2002 et janvier 2005, à cause d'un genou reconstruit deux fois et des complications qui en ont découlé par la suite. Cela a mis fin à mes autres rêves.

Thomas LEVET : De la fierté, beaucoup de fierté. On se dit que tout ce qu'on a fait dans notre carrière, ça a mené à quelque chose. Quand on participe à la Ryder Cup, on a ce sentiment de faire partie du Top européen et mondial.

 J'ai eu la chance de la jouer une fois et j'ai été appelé une autre fois par le capitaine, qui pensait à moi comme wild-card (joueur invité, ndlr). Finalement, ce n'est pas allé plus loin. Mais c'est quelque chose d'exceptionnel à vivre.

Vous ne jouez pas que pour vous-même
Jean Van de Velde, premier Français joueur de Ryder Cup (1999)



LCI : L'un comme l'autre, vous avez joué de nombreux Majeurs. Qu'est-ce qui est fondamentalement différent quand on a la chance de prendre part à une Ryder Cup ?

Thomas LEVET : C'est l'ambiance sur le parcours. Lors d'un Majeur, le public vous suit soit parce qu'il vous aime bien, soit parce que les spectateurs sont sur votre trou et applaudissent tous les coups corrects des joueurs. Là, la foule prend totalement parti. Vous pouvez à la fois vous faire encourager et insulter comme jamais dans votre carrière. Il y a vraiment des émotions très différentes par rapport aux autres tournois. En équipe, elles se décuplent.



Jean VAN DE VELDE : Vous ne jouez pas que pour vous-même, vous jouez pour une équipe. Vous vous mettez à la disposition de l'autre et vous êtes obligés de faire des matches avec un partenaire. Et puis, ce n'est pas le même format de jeu. À l'arrivée, on n'additionne pas tous les coups tapés sur les trous. Si vous avez fait huit coups sur un trou et moi un trou en un, je ne vais pas avoir sept points d'avance, mais seulement un trou. C'est un tête-à-tête, un peu comme un tie-break au tennis. Vous avez gagné neuf trous, j'en ai gagné huit. C'est un de plus, donc c'est vous qui l'emportez. Ça donne une toute autre vision du jeu.



LCI : Justement, ce n'est pas dans les habitudes d'un golfeur de faire équipe avec 11 autres joueurs. Comment vit-on une Ryder Cup de l'intérieur ? 


Jean VAN DE VELDE : Le golf est un sport individuel, vous avez raison, mais la plupart des joueurs que vous allez voir ont l'habitude de jouer semaine après semaine les uns avec les autres. Bien sûr, vous n'êtes pas amis avec tout le monde mais le fait de se voir sur chaque tournoi, d'être du même continent, voire du même pays, facilite à la discussion et à l'ouverture. Les Américains, par exemple, partent ensemble en vacances. D'ailleurs, ça ne m'étonnerait pas que ça se fasse aussi du côté des Européens. Ce n'est pas "moi, je joue en Espagne, toi en France et puis dans deux ans on se rencontre et on va jouer dans la même équipe". Non, ce n'est pas ça. On passe du temps inévitablement, généralement les trois-quarts de la saison ensemble. 


Pas facile de taper un drive au départ du 1
Thomas Levet, premier Français vainqueur de la Ryder Cup (2004)

LCI : Édition après édition, les joueurs ayant joué la Ryder Cup témoignent que le départ du trou n°1 est une expérience singulière, en raison de l'enjeu et l'engouement du public. Vous vous y êtes frottés. Disent-ils vrai ?



Jean VAN DE VELDE : La Ryder Cup, il faut le savoir, est très différent d'un autre tournoi. D'abord, vous voyez comme les choses évoluent. Si vous ne débutez pas, vous avez quand même une idée de ce qui se passe autour. Ensuite, vous ne jouez pas que pour vous, ça met en cause le résultat de toute l'équipe. Dans mon cas, la plupart des joueurs étaient des copains, des mecs avec qui je jouais régulièrement. Même si on n'a pas forcément la même culture, qu'on ne parle pas le même langue, l'équipe européenne se sert davantage les coudes. L'effet Ryder Cup a tendance à mettre tout ce petit groupe en harmonie.



Thomas LEVET : Pour ma part, cela s'est très bien passé. J'ai eu la chance sur les trois balles que j'ai tapées, d'avoir frappé peut-être trois des plus longs drives de ma carrière. C'était dû à l'adrénaline, à l'excitation et puis j'avais la chance d'être en forme cette semaine-là. Mais pour un joueur qui arrive avec des doutes sur son jeu, contre un adversaire extrêmement fort, et puis dans un contexte où le reste de l'équipe ne fait pas d'étincelles, je confirme que cela ne doit pas être facile de taper un drive (Ndrl : voir la vidéo ci dessous) au départ du 1. Il y a plein d'émotions qui se mélangent et les joueurs ont parfois du mal à les gérer. 

LCI : Donc vous n'avez pas fermé les yeux au moment de taper...

Thomas LEVET : Non, j'avais bien les yeux ouverts. Je me suis contenté de mettre une mine au milieu. Un truc de malade (rires). J'aurais aimé avoir drivé toute ma carrière comme ça.

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Propos recueillis par Yohan ROBLIN

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