PSG-Basaksehir : Demba Ba, itinéraire d'un footballeur engagé

par Allan DELAMOTTE
Publié le 9 décembre 2020 à 14h15, mis à jour le 10 décembre 2020 à 11h09

Source : TF1 Info

PORTRAIT - Mardi soir, la rencontre opposant le PSG à Basaksehir a été interrompue après que les 22 acteurs ont protesté contre les propos racistes du quatrième arbitre à l'encontre d'un membre du staff du club turc. Au cœur de cette décision historique, un homme s'est illustré : Demba Ba.

Mardi 8 décembre, le PSG affrontait le club turc de Basaksehir pour le compte de la sixième journée du groupe H de la phase de poules de Ligue des champions, avec comme objectif d’obtenir son billet pour les huitièmes de finale de la compétition. Pourtant, après seulement treize minutes de jeu, les 22 acteurs ont quitté la pelouse pour protester contre des propos racistes supposés du quatrième arbitre, le Roumain Sebastian Coltescu. Des membres du staff turc, excédés, ont ainsi dénoncé les propos de M. Coltescu. "He said 'negro'", ont-ils lancé alors que ce dernier venait de signaler à l'arbitre principal Ovidiu Hategan, également roumain, la réaction trop véhémente à son goût de Pierre Achille Webo, membre camerounais de l'encadrement du Basaksehir, après une décision arbitrale.

"(C'est) le Noir ici. Va voir et identifie-le. Ce gars, le Noir (ndlr : negru en roumain)", a déclaré Sebastian Coltescu, d’après un sonore du match. Après la vive colère de Pierre Achille Webo, qui a interpellé le quatrième arbitre par un "Why he said 'negro' ?!", le membre du staff a été expulsé par l’arbitre central Ovidiu Hategan, provoquant un agglutinement des joueurs au bord du terrain. Après plus de deux heures de discussions et d'attente, le club turc puis l'UEFA ont fait savoir que la rencontre allait reprendre mercredi, à 18h55, là où elle s'était arrêtée, mais avec des arbitres différents, selon RMC, alors que l'UEFA a annoncé l’ouverture d’une enquête.

Haro sur la Serie A

Au milieu de cette décision historique - l’interruption d’un match imposée par les joueurs des deux équipes après des propos racistes – un homme a incarné cette révolte : Demba Ba. Remplaçant lors de cette rencontre, l’international sénégalais a été un des premiers à monter au créneau concernant l’incident, interpellant le quatrième arbitre et lui demandant des explications : "Vous ne dites jamais : 'Ce gars blanc', vous dites : 'Ce gars'. Écoutez-moi. Pourquoi quand vous parlez d’un gars noir, vous dites : 'Ce gars noir' ?"

Natif de Sèvres, dans les Hauts-de-Seine, et ayant grandi au Havre, l’attaquant passé par Chelsea et Hoffenheim est connu pour ses prises de position contre le racisme. En septembre 2019, l’homme de 35 ans avait ainsi dénoncé des cris de singe et des insultes racistes lancées dans différents stades d’Italie, notamment à l’encontre du buteur de l’Inter Milan, le Belge Romelu Lukaku. "Voilà la raison pour laquelle j’ai décidé de ne pas jouer en Italie lorsque j’en avais la possibilité", avait-il écrit sur Twitter, avant d’ajouter : "À ce stade, j’espère que tous les joueurs noirs vont quitter ce championnat. Cela n’arrêtera sûrement pas la stupidité ni la haine, mais au moins celles-ci ne viseront pas d’autre races."  

Mobilisé pour les Ouïghours

Ces derniers jours, le footballeur s’est également indigné à propos de l’agression violente dont a été victime le producteur de musique Michel Zecler dans son studio d'enregistrement du 17e arrondissement de Paris. Le 21 novembre, ce dernier avait été tabassé par quatre policiers, l’ayant également traité de "sale nègre", selon la victime. Toujours sur Twitter, Demba Ba avait écrit : " Pour quelqu'un qui vit la situation du pays de l'extérieur, je n'y vois aucune issue à ces problèmes. Désolé de mon pessimisme... Malgré tout, il faut continuer à se battre pour faire changer les choses."

Cet été, le Franco-Sénégalais avait également condamné l’action de la Chine contre les Ouïghours. "Quand allons-nous voir le reste du monde défendre les musulmans ? Je sais qu'il y a des footballeurs qui veulent se battre pour la justice, qu'ils soient musulmans, bouddhistes, chrétiens ou de toute autre croyance. En tant que sportifs, nous avons un pouvoir que nous ne connaissons même pas. Si on se réunit et qu'on parle, les choses changent. Si nous nous levons, les gens se lèvent avec nous", avait déclaré l'attaquant à BBC Sport.

Lui-même victime de racisme

Tout au long de sa carrière, Demba Ba a lui-même été victime d’insultes racistes. En 2011, lorsqu’il était sociétaire du club de West Ham, l’attaquant avait été la cible d’insultes racistes de la part d’un supporter mécontent de la relégation des Hammers. Toujours lors de son passage en Angleterre, Ba avait subi le même sort de la part d’un fan de Liverpool en 2014, après un but du joueur face à son équipe. Le club de la Mersey avait ouvert une enquête après cet incident.

Lors d’une rencontre avec le Shanghai Shenhua face au Changchun Yatai, le 4 août 2018, celui qui a débuté sa carrière à Rouen avait fait l’objet d’injures racistes de la part d’un adversaire nommé Zhang Li. Ce dernier, qui avait démenti, avait écopé de six matchs de suspension et d’une amende de 5300 euros, pour avoir "perturbé le bon déroulement du match, provoqué du désordre et des répercussions sociales négatives", selon la fédération chinoise de football, qui n’avait aucunement mentionné le caractère raciste des propos de Zhang Li dans ses conclusions.

Son intervention lors de PSG-Basaksehir, qui a contribué à l’arrêt de la rencontre, a été saluée de toutes parts, aussi bien dans la presse que sur les réseaux sociaux. Et pourrait constituer un tournant décisif dans la lutte contre le racisme dans le monde du football.

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Bien sûr, il a été champion du Monde de Football en 1998. Il a porté 142 fois le maillot de l’équipe de France. Un record. Pourtant, très tôt, il a regardé au-delà du ballon rond et su que son statut lui permettrait d’être une voix forte de la lutte contre les discriminations. Aujourd’hui, c’est son combat quotidien. Lilian Thuram écrit, il s’engage et lorsqu’il prend le temps de se confier, c’est de l’émotion à fleur de peau, une belle matière à réflexion.


Allan DELAMOTTE

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