"The Affair" : pourquoi la saison 2 est (presque) aussi belle que la première

Publié le 29 décembre 2015 à 16h21
"The Affair" : pourquoi la saison 2 est (presque) aussi belle que la première

ON ADORE – Au royaume des séries, "The Affair" occupe une place à part, portée par une saison 1 épatante, couronnée aux Golden Globes et adulée par des fans sans cesse plus nombreux, depuis sa diffusion en France sur Canal +. Plus complexe, plus redoutable aussi, la saison 2 qui vient de s'achever était à la hauteur des attentes. Décryptage.

C'était l'une des toutes meilleures séries de 2014. L'une des plus singulières en tout cas, à la croisée des chemins entre le drame et le genre, entre l'auscultation méticuleuse d'une passion foudroyante et la mise en place, par petites touches, d'une intrigue criminelle dont on ne découvrait la victime que lors de l'avant-dernier épisode. Diffusée aux Etats-Unis sur Showtime, et en France sur Canal +, The Affair avait tout pour plaire. Une construction en miroirs fascinante, soit la même histoire, racontée dans chaque épisode du point de vue successif de Noah Solloway et Alison Lockart. Avant des souvenirs divergents, bien sûr.

Deux comédiens en état de grâce

Lui est prof de lettres à New York, vit dans l'ombre de son beau-père auteur de best-seller et élève ses quatre enfants avec Helen, son amour de lycée. Elle est serveuse, à Montauk, au bord de la mer. Depuis la mort accidentelle de leur fils, son couple avec Cole bât de l'aile. Un été ils vont se croiser et s'aimer sans réfléchir aux conséquences.

Durant 10 épisodes, les auteurs Hagai Levi et Sarah Treem allaient observer les prémices de cette liaison indirectement fatale pour un membre de leur entourage. Outre sa construction audacieuse, et la justesse de ses dialogues, la saison 1 de The Affair était portée par un couple d'acteur formidable, les Britanniques Dominic West et Ruth Wilson, récompensée aux Golden Globes en janvier dernier. Leur alchimie était palpable, idéale. A tel point qu'ils faisaient de l'ombre à leurs partenaires, pourtant excellents. 

Si l'ultime épisode se clôturait sur un cliffhanger redoutable, la perspective de découvrir la saison 2 avait quelque chose d'aussi excitant qu'angoissant. Allait-on retrouver le même ton, la même tension, le même équilibre presque miraculeux ? Au lieu de reproduire leur dispositif à l'identique, Hagai Levi et Sarah Treem ont choisi de surprendre, quitte à déboussoler le téléspectateur lors des premiers épisodes. Désormais l'histoire n'est plus racontée du point de vue de deux, mais de quatre personnages. Soit Noah, Alison, mais aussi Helen, l'épouse trompée, et Cole, le mari cocu.

Dominic West et surtout Ruth Wilson sont moins présents à l'écran. Mais Maura Tierney et Joshua Jackson ont enfin l'occasion de briller. Et ils ne s'en privent pas. La première est géniale en quadra désespérée, au carrefour de son existence. Si son futur ex-mari renaît au contact d'une femme plus jeune, Helen a toutes les peines du monde à se réinventer en maman célibataire. Et ce n'est pas en couchant avec Max, le meilleur ami de Noah, qu'elle va y parvenir. Son portrait est souvent drôle, parfois agaçant. Toujours touchant. Mais pas autant que celui de Cole.

Joshua Jackson, qui fut autrefois l'un des héros de la série pour ados Dawson, trouve là le meilleur rôle de sa carrière. Brisé, déboussolé, l'ex-compagnon d'Alison boit plus que de raison, baise une femme mariée qui l'a dragué dans son taxi... Jusqu'à sa rencontre, lumineuse, avec Luisa (Catalina Sandino Moreno), une jolie serveuse latino. Difficile de ne pas avoir les larmes aux yeux face à cette montagne de souffrance, piétiné par le destin, sinon la malédiction de bric et de broc sur laquelle sa famille fait peser tous ses malheurs.

La première partie de la saison alterne habilement entre l'exploration de ces deux personnages, au second plan jusqu'ici, et l'évolution de la relation entre Noah et Alison, passés les premiers émois amoureux. Il leur faut d'abord affronter la procédure de divorce du premier, puis les ennuis de santé de Martin, son fils aîné. Mais surtout la grossesse inattendue – prématurée ? - de la jeune femme, alors que son compagnon devient un écrivain à succès avec Descent, le roman librement inspiré de leur rencontre.

Tiens, Miranda de Sex and the City !

Très premier degré, parfois étouffante, la première saison s'était offerte une parenthèse quasi-comique lorsque Noah, célibataire, écrivait son futur best-seller et baisait à tour de bras. Au cours de la saison 2, les scénaristes s'amusent à décrire la transformation du prof frustré en superstar de l'édition, flirtant (et un peu plus) avec son attachée de presse lors d'une tournée promo où il va découvrir les joies – et les peines – de son nouveau statut. Une rencontre, hélas hors caméra, avec Jonathan Franzen dans un pince-fesse new-yorkais, un face à face alcoolisé avec un universitaire coupable d'une critique assassine, ou encore une soirée cocaïnée où il espère convaincre George Clooney d'adapter son livre... Tout y passe.

Une période charnière pour ce personnage un brin irritant qui s'achève par une séance d'analyse chez une psy, interprétée par l'excellente Cynthia Nixon, l'inoubliable Miranda de Sex and the City. Cette séquence, qui occupe presque la moitié de l'épisode 10, est l'une des libertés narratives que s'offrent Levi et Treem. Un huis clos théâtral dans la forme, tout en subtilité, où Dominic West affronte toutes les contradictions de son personnage.

L'autre "entorse" créative de cette saison 2, c'est l'épisode 9, qui raconte les heures qui précédent la naissance du bébé d'Alison, cette fois en alternant les points de vue des quatre personnages. C'est plus classique, mais redoutablement efficace. Presque le sommet de la saison avant de revenir à l'intrigue policière. Longtemps secondaire. Mais si cruciale pour la suite.

En amorce, et/ou en clôture de chaque épisode, le téléspectateur a en effet découvert pourquoi et comment Noah est accusé du meurtre de Scott Lockhart, le frère de Cole. Et se retrouve au tribunal, face à un jury persuadé de sa culpabilité. Le dernier épisode, brillant, dévoile l'identité du meurtrier, le vrai, tandis que l'écrivain est confronté à un nouveau dilemme, terrible. Comme celui du héros de son roman, bref une mise en abîme vertigineuse qui promet une saison 3 qui devrait être aussi la dernière.

A la simplicité de la première saison, les créateurs de The Affair ont substitué une construction plus ambitieuse, plus périlleuse, mais au final très réussie grâce à une mise en scène au cordeau et une interprétation d'ensemble au-dessus de la moyenne. La preuve supplémentaire que la télévision américaine est aujourd’hui un laboratoire créatif bien plus audacieux, plus excitant, plus imprévisible surtout que le cinéma made in Hollywood. Vous en doutiez encore ?

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Jérôme VERMELIN

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