60% des djihadistes revenus en France ont-ils réellement récidivé ?

Publié le 7 septembre 2020 à 17h15
Les chiffres avancés par Marine Le Pen ne concernent pas du tout les djihadistes partis en Syrie ou en Irak.
Les chiffres avancés par Marine Le Pen ne concernent pas du tout les djihadistes partis en Syrie ou en Irak. - Source : AHMAD AL-RUBAYE / AFP

RETOURS CONTROVERSÉS – Marine Le Pen s'oppose à un retour des djihadistes de Daech sur le sol français. Selon elle, 60% de ceux qui sont revenus dans l'Hexagone ont récidivé. Un chiffre issu d'une étude basée sur des cas anciens, non liés aux menaces terroristes actuelles.

Très remontée, Marine Le Pen a fustigé dimanche la politique sécuritaire du gouvernement, n'hésitant pas à s'en prendre au nouveau garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti. Elle lui a notamment reproché d'avoir "milité pour le retour des djihadistes de Daech". Une volonté incompréhensible aux yeux de la présidente du RN, selon laquelle "il est démontré que 60% des djihadistes revenus en France ont récidivé".

Les données les plus récentes datent de 2011

Marine Le Pen n'a pas inventé les chiffres sur lesquels elle se base. Ils proviennent en effet d'une étude publiée par le Centre d'analyse du terrorisme (CAT), s'appuyant sur des statistiques judiciaires et dévoilés en juillet dernier. Le document, transmis au Sénat, apporte une série d'informations sur ceux que l'on nomme généralement les "revenants". 

Parmi eux, six sur dix "ont été condamnés en France ou à l'étranger postérieurement à leur retour pour des infractions terroristes distinctes de leur seul séjour sur zone". Les infractions dont il est question vont de l'attentat au projet d'attentat, en passant par le soutien logistique ou financier à un réseau terroriste et le séjour sur un autre théâtre d’opérations.

Précision importante : il ne s'agit en aucun cas ici de djihadistes partis rejoindre le groupe État islamique puisque le CAT, note l'Agence France Presse, s'est penché sur le profil d'hommes "partis en Afghanistan (90 entre 1986 et 2011), en Bosnie (60 entre 1992 et 1995) et 16 en Irak (entre 2003 et 2006)"

Les Français qui ont transité ces dernières années vers la Syrie ou l'Irak ne sont donc pas concernés, contrairement à ce qu'a laissé entendre Marine Le Pen dans son intervention en évoquant le "retour des djihadistes de Daech". L'étude du CAT indique l'on manque de recul, et que "le caractère récent des filières djihadistes syro-irakiennes et de leur traitement judiciaire […] ne permet pas de porter une appréciation pertinente sur le risque de récidive de la part de ces personnes". Il est aujourd'hui trop tôt pour dresser des conclusions à propos des quelques 600 individus concernés lors des dernières années, une majorité se trouvant d'ailleurs toujours en détention.

En résumé, les affirmations de Marine Le Pen sont inexactes puisque la présidente du RN s'appuie sur des données ne concernant pas du tout les individus liés à Daech. Si ces chiffres sont bien tirés d'un rapport officiel, ils portent sur une période relativement ancienne et ne peuvent en aucun cas être considérés comme une vision exhaustive de l'activité de tous les "revenants" présents dans l'Hexagone.

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Thomas DESZPOT

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