"J’étais sûre que j’allais mourir ce jour-là" : Zarie Sibony, ex-otage à l'Hyper Cacher, raconte son 9 janvier 2015

par Poutchie GONZALES
Publié le 22 septembre 2020 à 8h30, mis à jour le 22 septembre 2020 à 8h43
"J’étais sûre que j’allais mourir ce jour-là" : Zarie Sibony, ex-otage à l'Hyper Cacher, raconte son 9 janvier 2015

TÉMOIGNAGE – Zarie Sibony, ex-caissière de l’Hyper Cacher et survivante de l’attaque terroriste, témoignera ce mardi au procès des attentats de janvier 2015. Elle avait accepté de raconter ces longues heures de prise d'otage.

C’était il y a cinq ans et demi. Le 9 janvier 2015, les Français découvraient avec stupéfaction, la prise d’otage de l’Hyper Cacher dans le 20e arrondissement de Paris et la mort de quatre personnes. Depuis le 2 septembre, quatorze suspects soupçonnés, à des degrés divers, de soutien logistique à Amédy Coulibaly et aux terroristes de Charlie Hebdo, les frères Chérif et Saïd Kouachi, comparaissent devant la justice. 

Ce mardi 22 septembre, la Cour entendra Zarie Sibony, alors caissière de l'établissement. Avant ce témoignage très attendu, de mercredi, elle avait accepté de raconter le drame, pour la première fois, pour "Sept à huit". 

"Ce sont des choses que je ne pourrai jamais oublier", confie la jeune femme, qui se souvient de chaque détail de cette attaque "les images des corps, du sang qu’il y a avait dans la pièce, les bruits des détonations, des balles qui tombaient sur le sol quand le terroriste rechargeait son arme..." 

"Je ne sais pas comment, mais il m’a ratée"

Alors qu’elle se trouvait derrière sa caisse, Amédy Coulibaly entre dans l'Hyper Cacher et elle entend une première détonation. "Je ne savais pas exactement ce que c’était, mais comme je voyais les gens commencer à courir pour se réfugier, par réflexe, je me suis cachée sous ma caisse", se souvient Zarie Sibony. 

Après avoir blessé un de ses collègues, l'assaillant va se diriger vers la jeune caissière. Face à elle, Amedy Coulibaly va alors lui rétorquer "ah t’es pas encore morte toi, tu ne veux pas mourir ?" Une question terrible qui la tétanise. "Et là il y a encore une détonation, il me tire dessus et, je ne sais pas comment, mais il m’a ratée." Les balles ne passent qu'à quelques millimètres de la jeune femme, miraculeusement sauvée. 

Un homme "sans pitié"

Elle se souvient du terroriste comme un homme avec "une expression très dure, aucune pitié, aucune humanité".  Lorsqu'elle comprend qu'il s'agit d'une attaque terroriste et qu'elle prend conscience de la gravité de la situation, Zarie Sibony se souvient de sa réaction : "Je me suis dit qu’on allait tous mourir." 

Elle se rappelle du détachement du terroriste face à ce qu'il se passait : "Pour moi, c’était un démon, c’était quelqu’un de tellement cruel", explique-t-elle. "Il nous a parlé de sa vie, de son parcours (…) il y avait deux personnes qui n’étaient pas juives parmi les otages, il s’est un peu moqué d’eux en disant 'c’était le mauvais jour pour venir'. Il nous disait qu’il avait tout le temps qu’il fallait, qu’il espérait qu’on avait des matelas pour la nuit (…) comme si cinq minutes auparavant, il n’avait pas tué quelqu’un de deux balles dans la tête." 

Reconstruire sa vie après le drame

Après quatre heures "interminables", les otages sont enfin libérés et quatre personnes ont perdu la vie dans cette attaque terroriste. Zarie Sibony ne s’imaginait pas survivre. "Je me demandais, quand est-ce que je vais mourir ? Tout de suite, dans une minute, dans cinq minutes, dans dix minutes..." 

Ce traumatisme est encore présent chez la jeune femme "après avoir vécu ça, on se dit que personne ne pourra jamais comprendre" explique-t-elle. Les premiers mois après l’attaque ont été très difficiles pour elle : "je n’arrivais pas à dormir du tout, j’avais toujours l’impression que j’aurais dû mourir ce jour-là, je ne voulais pas sortir, il fallait toujours que quelqu’un reste avec moi, au moindre bruit je sursautais. Tout ce qu’il s’est passé, les images, tout se déroulait encore et encore dans ma tête".

Zarie Sibony habite maintenant en Israël où elle se sent "beaucoup plus rassurée qu’en France". Cette prise d’otage complètement changé sa vie, et elle veut aujourd'hui devenir infirmière : "j'aurai l’impression que les gens que je sauve et que j’aide en tant qu’infirmière, ça pourra réparer ces quatre personnes que je n’ai pas pu aider". Mercredi, elle va témoigner au procès des personnes suspectées d’avoir aidé Amedy Coulibaly et les frères Couchy . "J’ai besoin de comprendre" explique Zarie Sibony, "c’est important de savoir comment tout ça s’est mis en place pour éviter que ça se reproduise".


Poutchie GONZALES

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