Thomas et Froome, ennemis de l'intérieur : "Ils courent tous les deux pour gagner le Tour"

Propos recueillis par Yohan ROBLIN, à l'Alpe d'Huez
Publié le 19 juillet 2018 à 22h36, mis à jour le 20 juillet 2018 à 1h37
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Source : Sujet JT LCI

ENNEMIS INTIMES - Au soir de sa victoire à l'Alpe d'Huez, sa deuxième en deux jours, Geraint Thomas, coéquipier de Chris Froome, a crédibilisé son maillot jaune. Plus que jamais, le Tour pourrait se jouer entre eux deux. Interrogé par LCI, l'ancien coureur David Moncoutié pense que la situation peut être problématique au sein de la Sky.

Et si le principal adversaire de Chris Froome était dans les rangs de la Sky ? Au lendemain de sa victoire et de sa prise de pouvoirs à La Rosière, Geraint Thomas a conforté son maillot jaune ce jeudi 19 juillet au sommet de l'Alpe d'Huez. Au soir de la 12e étape, il compte une minute trente d'avance sur "Frommey", le leader proclamé de l'équipe britannique.



À neuf étapes de la fin du Tour, la Sky se retrouve dans une situation comparable à 2012, lorsque Bradley Wiggins, programmé pour s'imposer, avait vu Froome sauter dans sa roue avec une facilité déconcertante. Si à l'époque la hiérarchie n'a jamais été bousculée, le "Kenyan blanc" n'ayant jamais endossé le maillot jaune, cette fois-ci, la question mérite d'être posée. Deux possibilités s'offrent à la formation britannique : soit elle officialise le nouveau statut de Geraint Thomas et laisse ses leaders s’affronter au risque de payer le prix fort, soit elle maintient sa ligne de conduite : à savoir, elle est et sera l'équipe de Froome.




Interrogé par LCI sur la ligne d'arrivée à l'Alpe d’Huez, l'ancien coureur professionnel David Moncoutié - ambassadeur de la Rand'Eau Vittel sur le Tour de France - a jugé qu'il est pour l'instant difficile de voir clair dans la stratégie de la Sky. Néanmoins, la bataille entre les deux "leaders" pourrait se poursuivre jusqu'à une possible explication finale dans les Pyrénées.

J'ai du mal à croire que Froome laissera gagnera Thomas
David MONCOUTIÉ, ancien coureur cycliste

LCI : Deuxième victoire en deux jours pour Geraint Thomas, avec un maillot jaune consolidé. Est-ce que cette situation peut devenir un problème chez Sky ?


David MONCOUTIÉ : Ça peut l'être. La Sky a déjà connu ce cas entre Bradley Wiggins et Chris Froome en 2012. Une victoire sur le Tour de France est très importante. Pour l'instant, on voit qu'ils courent tous les deux pour gagner. Il n'y en a pas un qui est privilégié plus que l'autre par l'équipe. La Sky essaie de garder les deux coureurs dans le coup, le plus longtemps possible. Après peut-être qu'ils vont s'expliquer dans la dernière arrivée au sommet (19e étape entre Lourdes et Laruns, ndlr) et sur le contre-la-montre quand ils auront la confirmation qu'ils ont gagné la course. Là, ce n'est pas le cas. Même s'ils ont dominé, la route est encore longue. La question se posera si les deux sont en capacité de gagner à trois ou quatre jours de la fin. 


LCI : On connaissait Geraint Thomas dans le rôle de lieutenant de Froome, le voici dans celui de leader sur ce Tour. Comment percevez-vous son changement de statut ? 

David MONCOUTIÉ : Il s'est préparé pour gagner le Tour de France. Quelques jours avant le départ, on ne savait pas si Froome serait au départ. Psychologiquement, Geraint Thomas s'est préparé à être le leader de la Sky. Finalement, Chris a pris le départ, il est bien et encore là pour gagner. Ça va être une discussion avec le directeur sportif (Dave Brailsford, ndlr). Pour ma part, j’ai du mal à croire que Froome laissera gagner son coéquipier. Peut-être qu'ils s’expliqueront à la pédale. On peut l’envisager dans la dernière arrivée au sommet pour voir qui est le plus fort des deux. Ainsi, ils pourraient se disputer la victoire à la régulière. Mais pour le moment, le plus important pour la Sky, c’est que l'équipe gagne. Rien d'autre. 



Froome a l'expérience des courses de trois semaines, pas Thomas
David MONCOUTIÉ, ancien coureur cycliste

LCI : Après 12 étapes, la Sky domine. Le vainqueur du Tour se trouve-t-il parmi eux ? 


David MONCOUTIÉ : C'est difficile à dire. Geraint Thomas est très fort. Il l'a montré. Chris Froome aussi. Il y a eu de la bataille dans l’Alpe d'Huez. Ce qui est sûr, c'est que la Sky a bien entamé ce Tour de France et peut-être même que leurs adversaires commencent à penser à la troisième place. Ça fait plusieurs années que le scénario se répète et on connaît l'importance d’un podium. Est-ce que les autres coureurs vont se livrer à 100% pour tenter de gagner le Tour ou alors pensent-ils déjà aux places d’honneur ? J'ai peur justement qu'à un moment, dans certaines équipes, on réfléchisse à cette troisième place. 



LCI : Qu'est-ce qui différencie Thomas de Froome, et inversement ? 



David MONCOUTIÉ : Geraint est moins bon grimpeur que Froome. Dès qu’on va arriver dans des pentes un peu plus raides, je pense que Chris sera plus fort. Mais il ne faut pas enterrer Thomas. Il a un gros moteur et il est bon en contre-la-montre. À la base, il faisait des Classiques à l'inverse d'un Chris Froome qui lui a toujours été plutôt grimpeur. Froome est peut-être plus fort physiquement en montagne. On arrive plus dans un registre taillé pour lui. Il a aussi l'expérience des courses de trois semaines. Ce qui n'est pas le cas de Geraint Thomas. Depuis le début de sa carrière, sa meilleure place sur un Grand Tour, c'est quinzième. Il n'a pas fait mieux. Ce serait un grand pas de passer de la quinzième à la première place. 

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Propos recueillis par Yohan ROBLIN, à l'Alpe d'Huez

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