Spleen après le sexe : souffrez-vous de mélancolie post-coïtum ?

Publié le 28 novembre 2018 à 18h14, mis à jour le 28 novembre 2018 à 18h29
Spleen après le sexe : souffrez-vous de mélancolie post-coïtum ?

ANIMAL TRISTE - La "dysphorie post-coïtale", soit le sentiment de tristesse ou de mélancolie après un rapport sexuel, s'avère un phénomène bien plus courant qu'on ne pourrait le penser. Mais d'où viennent ces idées noires, ces pensées mélancoliques ?

Tout le monde connaît cette fameuse formule du médecin grec Gallien : "Post coïtum, animal triste". Et il semblerait que le spleen éteigne l'orgasme plus fréquemment qu'on ne le pense. 

Dans cette étude réalisée en 2011 et menée sur 222 femmes âgées de 17 à 61 ans, 32,9% des participantes disaient en effet l'avoir déjà vécu au moins une fois dans leur vie. D'où notre question : d'où vient ce "sex blues" ? "De la preuve que l’angoisse de mort n’est jamais bien loin de la pulsion de vie", répond à LCI le sexologue Patrick Papazian. Autre interrogation : les femmes, comme semble le montrer cette étude, sont-elle plus touchées que les hommes par ce phénomène ? "Femmes et hommes sont, dans mon expérience, touchés de la même manière, à la même fréquence, par cette disphorie post-coïtale, tempère le sexologue. La différence, c’est que les femmes l’expriment davantage, verbalement et dans leur comportement, les hommes ayant tendance à se réfugier dans le sommeil pour éteindre ce début de blues".

Des explications biologiques et psychologiques

Plusieurs explications ont été avancées pour comprendre ce phénomène. Tout d’abord sur le plan biologique, avec un organisme qui, ayant connu une libération massive de dopamine et de sérotonine (soit un véritable shoot), voit ces médiateurs du plaisir s’effondrer brutalement. Selon le sexologue, "cette chute peut expliquer ce petit syndrome anxio-dépressif, la femme ou l’homme se retrouvant dans un état de 'manque', c’est-à-dire face à ce besoin impérieux de retrouver la substance ou l’action qui va faire remonter ces médiateurs. Comme il n’est pas toujours possible de refaire l’amour, la personne connaît alors l’anxiété et la tristesse du toxicomane en descente. Et, parfois, pour compenser, va faire quelque chose qui, spécifiquement pour elle ou lui, marche bien pour lutter contre cette chute de dopamine : manger (une fringale d’aliments sucrés par exemple),  boire un verre, fumer, aller sur son téléphone prendre son shoot d’informations etc..." Le sexologue confie ainsi avoir des patientes avouant céder à de petites crises de boulimie après l’amour pour calmer leur angoisse. 

Et sur le plan psychologique ? Il existe effectivement des profils plus "à risque", soit des personnes qualifiées par le sexologue de "abandonniques" (manifestant la peur d’être abandonnées) et qui s'avèrent ravies de fusionner, de "ne faire qu’un" pendant l’amour : "Ces personnes sont souvent d’un naturel angoissé dans la vie en général et ont terriblement besoin d’être rassurées sur les sentiments de l’autre, de manière parfois obsédante. Le moindre 'abandon' ou moment vécu comme tel (typiquement après l’amour, surtout si l’autre s’endort...) génère angoisse et tristesse."

Nous croyons passer notre vie "connectés" et "liés" en couple et en société mais, parfois, la solitude se rappelle brutalement à nous, après un rapport sexuel.
Patrick Papazian, sexologue

On peut aussi, parmi toutes les explications possibles, considérer la dimension psycho-traumatique (dans l'étude de 2011 toujours, 25% des femmes en proie au sex blues rapportaient au moins un rapport forcé avant l'âge de 16 ans et 21,8% après). "Il semble que les personnes ayant subi des abus sexuels dans l’enfance éprouvent cette dysphorie post-coïtale plus souvent que les autres, concède le sexologue. Sans doute la scène de l’abus est-elle parfois réactivée, mais je crois que la réalité est plus complexe. Le simple fait d’avoir ressenti du désir, voire du plaisir, les plonge ensuite dans un sentiment de culpabilité, lié à une angoisse évoquée par ces victimes : et si j’avais provoqué d’une manière ou d’une autre ces abus passés ? Il faut savoir déceler ces situations pour bien rappeler à la personne que la honte et l’angoisse seront toujours du côté de l’abuseur, jamais de l’abusé, et qu’il est souhaitable qu’elles puissent avoir désir et plaisir dans leur vie d’adulte, ce qui n’a rien à voir avec les violences subies dans le passé."

De la difficulté à "défusionner"

Au-delà de ces explications biologiques, psychologiques ou psycho-traumatiques, il n’est pas interdit de prendre un peu de recul en pensant que ce sentiment renvoie tout simplement à une solitude originelle, soit le grand drame de l’être humain depuis la nuit des temps : "Nous naissons et mourrons seuls. Nous croyons passer notre vie 'connectés' et 'liés' en couple et en société mais, parfois, la solitude se rappelle brutalement à nous, après un rapport sexuel... ou quand il n’y a pas de réseau téléphonique ou de wifi ! On se sent brutalement seul et c'est ce que ressentent au plus profond les victimes de sex blues". 

Soit, un spleen existentiel, une mélancolie profonde qui traduit notre difficulté à " défusionner".


Romain LE VERN

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