Manque de communication, infidélité... Les conseils d'une thérapeute pour les couples en crise

Publié le 15 novembre 2019 à 13h08, mis à jour le 20 novembre 2019 à 10h37
Manque de communication, infidélité... Les conseils d'une thérapeute pour les couples en crise

DÉSAMORCER LES CONFLITS - Qu’est-ce qui se joue dans le huis clos du cabinet d'une conseillère conjugale ? Dans son livre "Il faut qu'on parle", Caroline Kruse, thérapeute de couple depuis une trentaine d'années, dévoile les motifs de désaccord qui reviennent en boucle lors de ses consultations, et donne les clés pour arriver à les surmonter. Décryptage...

On s'aime et on souhaite ardemment que cela dure le plus longtemps possible. Oui, mais... la vie de couple, ça reste compliqué et il n'y a malheureusement pas de recette pour la réussir. Enfin, pas tout à fait. Car à entendre les expériences contées par Caroline Kruse, conseillère conjugale et thérapeute de couple, dans son livre "Il faut qu'on parle" (Editions du Rocher), on se dit qu'il existe quand même un "mode d'emploi" à suivre si l'on veut (re)faire un bout de chemin ensemble.

Sauf qu'en France, "on déballe plus facilement son intimité physique que son intimité psychique, assène notre thérapeute. Il y a encore une certaine réticence à aller consulter, à l'inverse des pays anglo-saxons qui revendiquent ce genre de démarche". Les mentalités sont toutefois peut être en train de changer, à l'initiative notamment des jeunes couples qui ne considèrent plus le fait de demander de l'aide comme négatif, bien au contraire : "Ils ont vu leurs parents vivre une vie résignée, restant ensemble à cause des enfants, ou dans une colocation un  peu triste, ou alors dans des conflits permanents, et ils n'ont pas vraiment envie de reproduire ce modèle", constate Caroline Kruse.

Les conseillers conjugaux sont-ils pour autant les nouveaux héros du couple ? "Une chose est sûre, désormais, ce n'est pas parce qu'on a un problème qu'on va pour autant se séparer ou se résoudre à vivre avec. On veut au moins essayer de comprendre ce qui se passe et se donner les moyens de trouver des solutions. Et le seul fait d'entamer une démarche - souvent à l'initiative de la femme - et de venir à deux - ce qui représente un investissement important pour les hommes craignant de se mettre en position de faiblesse -, c'est un premier pas important", poursuit notre spécialiste.

"Je ne peux plus rien lui dire"

Une fois qu'on a poussé la porte du thérapeute, plusieurs griefs sont régulièrement évoquées par les couples en détresse, mais l'un d'entre eux cristallise peut être tous les autres : les problèmes de communication. "On ne se dit plus grand-chose",  "Je ne peux plus rien lui dire", "Il/elle prend tout mal", "On n'est d'accord sur rien", sont les phrases répétées inlassablement dans le cabinet de Caroline Kruse. "Avant, on se nourrissait en discutant ensemble, mais désormais il y a une stérilisation de la communication, nous assure-t-elle. Or se parler, c'est aussi se toucher d'une certaine manière, se rapprocher, se faire confiance". 

Selon la thérapeute, tout le problème réside dans la façon de se dire les choses. "Ainsi, la phrase,'il faut qu'on parle', dont j'ai tiré le titre de mon livre, est souvent assénée sur le mode du reproche. Or, en fonction du ton employé, on peut l'entendre aussi en : 'Il faut qu'on s'écoute, qu'on sorte du système 'reproche, défense, contre-attaque'". "Autre exemple, à la question 'tu as bien pensé à acheter des couches pour le bébé ?', l'autre entend plutôt : 'A mon avis, tu ne l'as pas fait !', et il comprend : 'Elle ne me fait pas confiance'. Résultat, on finit par avoir un système très pervers où l'on s'attend à être toujours déçu par son/sa partenaire. Et ce système s'auto-alimente en permanence",. 

Il faut donc réussir à stopper cette spirale en se demandant notamment pourquoi il/elle a été blessé par les propos de l'autre. C'est tout le travail de notre conseillère conjugale, qui doit perpétuellement décoder, traduire. "Le couple est dans un système d'anticipation : il entend ce que dit l'autre à travers une grille de lecture qui est figée depuis longtemps. Comme je suis un tiers neutre, je le comprends autrement et je peux renvoyer la bonne interprétation afin de réinstaller un dialogue qui s'est perdu."

"Mon mari/ma femme me trompe"

Autre grand classique, l'infidélité, qui peut gangrener le couple. Un accident de parcours qui est en général tout de suite mis sur la table dans les cabinets des conseillers conjugaux. "C'est toujours le même schéma, le mari ou la femme trompé(e) me disent : Je suis tombé par hasard sur un message, un mail...', raconte Caroline Kruse. Ce qu'il faut bien voir, c'est que cela n'est jamais dû au hasard. Ceux qui veulent mener une double vie se cachent et effacent tout. Les autres en ont finalement marre de mentir mais ils n'osent pas le dire, alors ils laissent traîner un indice pour mettre fin à cette situation devenue intenable". Après, deux cas de figure se dessinent, soit l'infidélité est insurmontable et mari et femme ne consultent pas ; soit cela n'est pas perçue comme un motif immédiat de rupture et ils veulent comprendre ce qui s'est passé. 

Mais la démarche n'est jamais facile, comme le souligne notre thérapeute. "Ce n'est pas évident de venir dire : 'J'ai fait du mal à ma femme/mon mari', 'Je l'ai fait souffrir, je m'en veux', mais ce n'est pas simple non plus pour l'autre de l'entendre. Il y a un malaise des deux côtés. Et c'est important de le pointer. Même si la personne trompée se sent la plus lésée, l'autre a besoin aussi d'expliquer pourquoi il a fait ça, et ce qu'il y avait entre eux qui l'a amené à rompre le contrat. Et toutes sortes de questionnements peuvent se poser à cette occasion : 'C'était acquis", "je ne faisais plus attention à l'autre', ou bien 'Je ne me rendais pas compte qu'il/elle se sentait négligé'".  

Parmi les étapes qui fragilisent le couple, la naissance d'un enfant est un élément perturbateur. "Car même si cela est décrit comme un moment de bonheur absolu, dans les faits, l'accouchement ce n'est pas forcément formidable, les premiers mois ne sont pas toujours géniaux, sauf qu'on n'ose pas le dire. Résultat, l'autre prend ses distances pour montrer qu'il se sent délaissé. Le couple doit donc faire attention dans ces moments-là", insiste Caroline Kruse, qui conseille de ne pas hésiter à confier ses doutes et ses craintes. "Le mari peut dire à sa femme : 'Ça me fait bizarre de te voir allaiter' - car au final ce n'est pas aussi simple pour un homme de voir un bébé téter le sein de sa partenaire . Et sa femme peut avouer en retour qu'elle ne se sent pas très jolie, désirable. Car la plupart du temps, les couples me confient : 'Je ne l'ai pas dit', 'il ne l'a pas su' et ce sont des rancœurs qui s'accumulent et qui refont surface des années après". 

"Tu ne fais jamais rien"

Les sujets qui fâchent viennent également des questions d'intendance : l'éternel bouchon de dentifrice mal refermé, les chaussettes qui traînent. Mais aussi de la difficile répartition des tâches ménagères, ce qui aboutit à un reproche que Caroline Kruse perçoit régulièrement : "Tu ne fais jamais rien", ou encore "je ne me sens pas respecté, pas entendu, pas écouté". Pour elle, tout est encore une fois un problème de communication. "Je reconnais la charge mentale des femmes, mais ne jamais rien demander ou considérer que l'autre doit deviner ce qu'il faut faire, c'est le meilleur moyen de ne pas l'obtenir. Je crois au contraire qu'il faut réclamer de l'aide, il faut dire : 'J'ai besoin de toi', 'c'est important pour moi que tu fasses ça'. Et bien sûr, ne pas le faire sur le ton du reproche", martèle-t-elle.

Autre attitude contre-productive, on ne repasse pas derrière ce que son/sa partenaire a déjà fait car cela ne donne jamais envie de recommencer ! "A partir du moment où on délègue une tâche, même si elle n'est pas faite comme on a envie, il faut l'accepter. Se dire que l'autre ne peut pas réaliser les choses comme vous. Sinon, on rentre dans un système totalement figé où l'autre pense que cela ne sert à rien", conseille la thérapeute qui entend souvent dire que les hommes sont défaillants, qu'ils ne font rien, "mais c'est peut-être parce qu'on ne leur en donne pas toujours les moyens". "Sans les victimiser, je crois qu'un homme doit prendre sa part dans les tâches du quotidien, et pas seulement des trucs sympas comme 'aller jouer au foot avec son fils parce que c'est cool', mais lorsqu'il le fait, il ne faut pas lui dire que ce n'est jamais bien, jamais assez, jamais au bon moment", ironise-t-elle.

"On n'a pas de projets"

Pour les couples installés depuis plusieurs années, une autre difficulté guette, la fameuse routine. Toutefois, Caroline Kruse souhaite relativiser, car il y a aussi de la "bonne routine". Encore faut-il la cultiver ! "La vie à deux, c'est pas désagréable. Il y a quelque chose d'apaisant ; on rentre chez soi, il fait chaud, il y a quelqu'un à qui on peut parler. Toute la difficulté réside dans le fait de mettre le bon dosage entre sécurité et liberté", indique-t-elle. Par ailleurs, au bout d'un moment, il faut imaginer des choses inattendues, qui sortent un peu de l'ordinaire. "Quand on est englué dans les problèmes des enfants, ce n'est pas toujours facile de faire preuve de créativité, prévient la thérapeute. Mais on peut sortir des sentiers battus en allant par exemple dans des quartiers où on ne va jamais, ou bien laisser les enfants à garder et aller dormir à l'hôtel". 

Seul impératif, il ne faut pas que ces initiatives reposent toujours sur la même personne. "Très souvent, j'entends la femme se plaindre de tout organiser, mais si l'homme s'occupe d'autre chose, je crois qu'il ne faut pas se focaliser là-dessus. En revanche, il faut toujours que la proposition soit prise avec plaisir par l'autre, qu'il lui signifie qu'il est content, voire reconnaissant. Il ne faut pas forcément dire merci mais quelque chose de cet ordre là. Car si le partenaire traîne des pieds, là ça pose un vrai problème", conclut-elle.

Pour info : vous pouvez obtenir la liste des conseillers conjugaux sur le site de l'Association Nationale des Conseillers Conjugaux Et Familiaux (ANCCEF)


Virginie FAUROUX

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