PROFITS & PERTES - C'est l'un des points qui fait débat entre syndicats d'employeurs et de salariés : qui doit prendre en charge les frais occasionnés par le télétravail, et comment l'organiser ? Aujourd'hui, un mécanisme simple existe déjà, peut-être est-il d'ailleurs déjà présent sur votre bulletin de salaire.
Au-delà des règles qui encadrent le télétravail, celles qui en feraient un droit pour l'employé, ou qui le déploieraient au seul choix de l'entreprise, l'un des aspects du travail à distance qui fait débat entre le Medef et les syndicats aujourd'hui est une question d'argent. Comment évaluer les frais engagés par le salarié pour travailler de chez lui, qu'est-ce qui relève de ces frais, et comment les compenser ? En clair, qui doit payer ?
Sous le coup de l'urgence sanitaire, nombre d'entreprises ont jusque-là dû improviser. Certaines ont mis en place un remboursement plafonné pour financer ou cofinancer des achats liés au poste de travail, comme un fauteuil de bureau plus ergonomique, un second écran, ou même un vrai bureau. D'autres ont distribué des bons d'achats, ou créé des "packs télétravail" à aller choisir en ligne selon ses besoins. D'autres encore remboursent à l'euro près certaines dépenses (internet, matériel) sur notes de frais. Il en reste surtout énormément... qui ne font rien, jugeant probablement que les frais qui découlent du travail à la maison sont peu ou prou compensés par les dépenses de transport ou de repas que le télétravail oblitère.
Une loi en dit trop, ou pas assez
Si chacun cherche sa recette en la matière, c'est d'abord parce que la loi ne dit rien, ou pas grand-chose. Dans le propre texte distribué par le gouvernement au moment du premier confinement, on lit ainsi “l’employeur n’est pas tenu de verser à son salarié une indemnité de télétravail destinée à lui rembourser les frais découlant du télétravail, sauf si l’entreprise est dotée d’un accord ou d’une charte qui le prévoit”. Et de fait, depuis 2017, la loi n'impose pas à l'employeur la prise en charge de ces frais. Une absence qui ne le libère pas de toute obligation, bien au contraire.
Car quel que soit l'endroit où l'employé travaille, que ce soit au bureau, à l'usine, ou chez lui, l'employeur reste responsable de sa sécurité au travail, et donc à l'ergonomie du poste de travail. Un équipement dont - et la loi le dit bien - les frais supplémentaires ne peuvent incomber à l'employé. C'est donc par ricochets que la législation rappelle ses devoirs à l'employeur, même en étant un peu chiche sur les détails. La jurisprudence, elle, est constante en la matière, au bénéfice du salarié.
De 10 à 50 euros par mois, libre de charges
Reste que si elle n'est pas gravée dans le marbre, la prise en charge de tout ou d'une partie des frais liés au travail à distance est déjà prévue par les textes. Elle peut même être exemptée de prélèvements sociaux, dans des limites que la loi a fixées de manière assez simple. Si vous travaillez à la maison un jour par semaine, votre employeur pourra vous indemniser, en franchise de charges, à raison de 10 euros par mois, ostensiblement pour couvrir une quote-part de votre abonnement internet, par exemple.
Une somme à multiplier par le nombre de jours de télétravail hebdomadaire, 20 euros pour deux jours, 30 euros pour trois, etc. Si vous télétravaillez à plein temps, l'employeur pourra vous verser 50 euros par mois, ou même beaucoup plus, mais seuls les 50 premiers euros seront exonérés de charges. Dans tous les cas, la somme versée apparaîtra sur une ligne "Indemnité Forfaitaire de Télétravail" sur votre bulletin de salaire.
Un début, mais pas encore une solution clé en mains, ni pour les employeurs ni côté salariés. Les détails du calcul peuvent varier d'une entreprise à l'autre, ou d'un poste à l'autre même, c'est d'ailleurs pour cela que la loi laisse une large latitude aux accords d'entreprise. Les bases de ces derniers pourraient aussi découler du nouvel accord national interprofessionnel en cours de négociation entre patronat et syndicats.